Rêve de Parpaillon et premier confinement


Le Parpaillon, est en même temps un col et un tunnel à environ 2600m d’altitude entre la Durance et l’Ubaye. Ce tunnel est un classique historique de vélo, que l’on retrouve dans de nombreux topo de cyclo-muletiers et qui a été remis au gout du jour avec l’explosion récente du Gravel et de courses de longues distance.

Aller, le 5 Juin 2020

Nous sommes trois : Denis, Sébastien, Thibault. Denis roule très régulièrement et a plutôt une expérience VTT, Gravel, fixed. Thibault et Sébastien roulent moins régulièrement et ont plutôt une expérience de voyages à vélo. Nous avons envie d’en découdre : le confinement nous a bien pesé et a anéanti notre motivation pour la BTT (Born to try) à laquelle nous nous étions inscrits.

RDV à Grenoble donc. On charge le camion avec nos vélos, qui représentent un bon échantillon de ce qui se fait aujourd’hui : un VTT, un vélo de voyage, un vélo Gravel, équipés d’une grande diversité de portes bagages (arrière, selle, avant) et sacoches (sacoches arrières, de cadre, de selle, de guidon, toptube)… Globalement, les vélos et le chargement ne sont pas vraiment optimisés : nous sommes juste heureux de nous retrouver et d’être là. La préparation est restée sommaire et nous sommes confiants : avec un peu de motivation et de ténacité, le vélo permet généralement d’arriver quelque part et de s’adapter facilement aux imprévus. C’est bien ça qui nous plaît.

Nous posons le camion à Saint André d’Embrun (1000m) dans la vallée de l’Ubaye et le raid commence vers 15h. Pour l’instant il fait beau et chaud. Le début de la montée se passe très bien jusqu’à Crevoux, avant d’attaquer la fameuse piste gravel qui commence vers 1700m. Le temps reste parfait, avec l’altitude il ne fait pas trop chaud, le soleil nous réchauffe malgré les nuages qui s’installent. Le début de la piste est très agréable, on traverse une belle forêt, le revêtement est bon et la pente reste acceptable. La montée se fait régulièrement, on avance lentement mais on avance. Vers 19h, nous arrivons à 2500m : la piste n’est plus praticable avec la neige et nous commençons à entrer dans le brouillard. Cette belle surprise nous réserve 1h30 de poussage/portage du vélo (hike a bike, comme on dit). On s’est régulièrement demandé ce que l’on faisait là, mais nous arrivons finalement au tunnel du Parpaillon à 2600m vers 20h30, au soleil couchant. La lumière est belle, nous soufflons un peu et faisons des photos.


À ce stade, nous pensons naïvement en avoir terminé ! La fatigue et l’euphorie de l’arrivée au tunnel nous font traverser par ordre dispersé, Denis devant et Sébastien en dernier. Rapidement la neige à l’entrée du tunnel se transforme en glace, recouverte d’eau. Nos lampes ne nous permettent pas de voir et de cheminer dans ce tunnel. Nous descendons rapidement de nos vélos pour chuter plus ou moins lourdement sur la glace et dans l’eau.


Nous nous retrouvons de l’autre côté du tunnel vers 21h, exténués et transi de froid. Le temps de remonter sur les vélos et de faire 3 virages, nous nous échouons sur un spot de camping sans neige à 2500m vers 21h30. Cette partie de la montagne est à l’ombre depuis plusieurs heures, il fait froid, nous montons nos tentes rapidement et nous nous réchauffons dans nos sacs de couchage. Nous n’avons pas le courage de cuisiner : les quelques bières et gâteaux apéros sont évaporés rapidement. Extinction des feux à 23h, nous sommes bien rincés par cette belle journée (27km, D+ 1700m).


Retour, le 6 Juin 2020


Le lendemain matin, le réveil se passe bien, avec un bivouac situé au soleil levant. Nous sommes rapidement réchauffés. Le temps de ranger le matériel, nous attaquons la descente vers 9h. Nous devons encore pousser les vélos au début car il reste quelques névés et la piste est défoncée. Le paysage est très beau, bien différent de la montée de la veille, avec un vallon isolé qui ressemble aux steppes kirghizes.


Rapidement la piste est meilleure et nous descendons en trombe sur un beau chemin tapissé d’épines de pins. Nous arrivons à la Condamine-Chatelard, dans la vallée de l’Ubaye. Pit-stop à la boulangerie le temps de manger, nous changer et faire sécher quelques habits au soleil. Nous sentons bien la fatigue de la veille et nous n’avons pas le courage de rentrer par le col de Vars, comme l’indique le gang du PCR Gravier. Nous reprenons la route en direction du lac de Serre-Ponçon, l’ambiance “raid au Parpaillon” s’atténue au fur et à mesure que nous croisons des cyclistes légers, étonnés de nos montures et du barda que nous trimballons. Nous croisons les indications de grands classiques que nous espérons pour un autre jour : le col de la Bonette au départ de Jausiers, le col de la Cayolle ou le col d’Allos au départ de Barcelonnette. Le vent de face est assez fort et nous essayons de rouler groupé. Dernier pit-stop au Lauzet d’Ubaye et retour laborieux jusque sur les rives du lac de Serre-Ponçon : il y a finalement quelques cotes difficiles à négocier jusqu’à Savine le lac. Nous finissons par boucler le parcours en fin d’après-midi, repus mais tellement contents (90km, D+ 800m).


Nous dédions cet article à la mémoire de Sébastien Rieussec, qui a stoppé sa longue carrière de cylcotouriste prématurément en Novembre 2021.


Sébastien m’a converti au voyage à vélo, pratique qui a changé ma vie et donné accès à inoubliables voyages et émotions. Nous avons partagé nos premières aventures à vélo en Norvège (1998), de l’Italie à la Grèce (1999), en passant régulièrement par la Drôme, l’Ardèche (2007, 2015,…). Nos derniers tours resterons d’excellents souvenirs et continuerons de m’accompagner sur ma route : Mali (2018), Vercors-Diois (2019), Parpaillon (2020) et un ultime col du Petit Mont Cenis et de l’Iseran (2020), avant l’annonce de la maladie.

Que la terre te soit légère et le gravel du Paradis de qualité.

Thibault.

Écrit
par Thibault Mathevet

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