Comment se prépare-t-on pour rouler 750 km ?

C’est en mars 2021 que nous avons mis pour la première fois les pieds dans le Nord. Une partie de la France rassemblant de prestigieuses régions tant par leurs cultures que par les courses cyclistes qui s’y déroulent depuis plus d’un siècle à l’instar du Paris Roubaix ( première édition en 1896 ). C’est aussi là que se déroule Les classiques des Flandres, dans ces merveilleux paysages mêlant forêts denses, petits villages et routes pavées. 

Durant notre première venue à Lille pour rencontrer Andreas Behrens  de l’atelier LaFraise Cycles, nous avons aussi rencontré d’autres locaux et notamment un passionné de vélo et de cartes. Le nom de Rémi Quinquin vous est peut être familier, figure active de la scène cycle autour de cycle, auteur du blog https://gravelbikepacking.blog avec même une parution dans le magazine 200. Ce passionné de 38 ans est aussi le créateur de la North Trail, une boucle gravel au départ de Lille, mais aussi un événement puisque chaque année une date est arrêtée pour permettre de faire la trace entre passionnés. Fort de ses compétences de cartographes Rémi a su créer une magnifique et intelligente boucle de 750 kilomètres qui couvre le Nord d’est en ouest. 

L’année 2021 a été pour Rémi l’occasion d’inaugurer une trace route, nommée la North Road: “ Quand j’ai créé cet événement en 2020, je ne pensais pas qu’il y aurait un tel succès, plus de 300 personnes ont rempli le formulaire d’inscription! Malheureusement avec le Covid la première North Trail ne s’est pas passée comme prévu. Cette année j’ai décidé de relancer l’événement tout en offrant une version route.” – Rémi Quinquin.  

Evidemment depuis que le gravel focalise l’attention, de nombreux organisateurs ont changé leur fusil d’épaule et proposent désormais des épreuves gravel. Pourtant il y a encore quelques années les épreuves de randonnée route étaient majoritaires. De ce fait, hormis les épreuves organisées par l’Audax Club Parisien, c’est devenu compliqué de trouver des épreuves 100% route sympas. Nous étions donc heureux de voir qu’une version route était proposée, et la map de 750 kilomètres proposée par Rémi avait vraiment piqué notre curiosité. C’était aussi une occasion unique de vous faire découvrir cette merveilleuse région au guidon de notre Mercier de 1982. 

Pour ce périple de trois jours, on avait décidé de prendre notre vélo du moment. Un mercier de 1982 en tubes Columbus Aelle, équipé du groupe Shimano 7200 et d’une paire de pneus Panaracer type C EVO en 28mm. Une mécanique extrêmement simple donc et un choix de pneumatiques évident pour nous qui utilisons Panaracer depuis maintenant 5 ans. Pour notre matériel de bivouac, on a choisi la solution ayant un parfait équilibre en élégance et simplicité: la sacoche Cadet de Carradice avec le support bagman. Un support qui vient se fixer directement sur les rails de la selle et permet de façon minimaliste de transporter jusqu’à 10 kilos. Tout notre équipement de bivouac était dans cet unique sac. Nous avions un sac en bandoulière en supplément pour l’appareil photo. 

Souvent le groupe Shimano 7200 est critiqué pour la fragilité des pédales, avec ce format si spécifique de filetage 1” * 24. Un format que Shimano a aussi utilisé pour la série 7300, l’un des plus beaux groupes produit par la marque à notre sens, fort de belles innovations. Pour aller avec ces pédales, cales pieds sangles, nous avions notre paire de Proou Mexico Touring faites à la main par Orestes Ribo en Espagne. Tout au long de l’aventure ces choix bien que simples et parfois dépassés technologiquement nous ont facilité la vie. A part une crevaison en bord de mer, nous n’avons eu aucun autre souci mécanique sur les 750 kilomètres. Et cela malgré des conditions parfois assez dures. 

Pour la navigation nous avions la version premium de komoot. Le téléphone n’était pas stable, et consommait beaucoup de batterie, du coup la navigation n’était pas forcément simple car on écoutait juste la voix pour économiser la luminosité de l’écran. Depuis on est passé sur un Crosscall trekker M1 et la navigation komoot combinant voix et écran au besoin est juste parfaite. 


© photo Ernest

Comment préparer une aventure de 750 kilomètres? 

Pour se préparer à ce type d’aventure, il n’y a pas vraiment de secret. Il faut rouler. Une fois que nous avons eu la trace, nous avons préparé un petit entraînement sans prétention. Histoire d’être prêt. 

On a d’abord fait un 112 kilomètres, juste pour être sûr du groupe et de la taille du cadre. Le Mercier est un 58 cm. On avait aussi choisi des roues un peu plus lourdes, Fir 30 mm sur moyeux Mavic 501, avec pour but de changer pour la North Road avec une paire Mavic Open Pro montées sur moyeux Shimano 7200. On a ensuite fait 254 kilomètres puis un 307 kilomètres. Nous étions confiants et pensions finir en deux jours et demis à un rythme de 300 km par jour. Evidemment ça ne s’est pas passé exactement comme prévu. Pas de diète particulière hormis un petit stop sur le café et l’alcool un mois avant la randonnée. La journée qui précédait le départ, on n’a pas touché au vélo, ce qui en vérité n’était pas facile, une visite de Lille à pied nous a permis d’apprécier cette belle agglomération et de goûter quelques spécialités bien gourmandes. L’alarme est mise à 4 heures du matin et nous étions prêts pour la grande randonnée, The North Road. 

Le départ matinal d’une lente tortue

Comme prévu, le réveil sonne à 4 heures du matin. Un café et quelques sandwichs pour la route. Une dernière vérification du vélo, c’est pas une course mais on a quand même un peu le stress. La dernière fois qu’on avait fait une sortie aussi longue c’était il y a 5 ans sur un BRM 600. Le départ officiel était donné à 8 heures, mais on se connait, étant plutôt lents, on s’est dit qu’ en partant 4 heures devant à 20 km/h de moyenne, les autres auraient vite fait de nous rattraper. 

Comme ce n’est pas un événement officiel mais plutôt une trace, chacun est libre de faire le morceau qu’il veut quand il veut. Une liberté très appréciable permettant à chacun de faire cette belle route à son rythme. Sur la douzaine de participants présents au départ officiel seule une petite poignée avait choisi la version route. Nous les avons rencontrés. Par contre, comme la map est assez différente pour les gravelistes on a pas eu la chance de voir les autres. 

Les premiers kilomètres sont toujours ceux où on a l’esprit un peu endormi ou embrouillé. Beaucoup de questions, de peurs, de doutes. Mais tout cela disparaît au fur et à mesure des kilomètres. Avec le recul, le stress provient surtout du fait d’avoir à suivre une trace en particulier. D’ être sûr d’avoir le bon tracé notamment! On avait divisé la map en segments pour permettre une navigation plus simple sur Komoot. Le premier reliait Lille à la côte d’Opale avec à l’arrivée une vue imprenable sur La Manche ! 


Swiper pour voir la galerie – © photo Ernest

La bascule à la mer

La première partie de ce voyage était douce, à moitié endormis la première heure, nous quittons rapidement Lille pour la campagne silencieuse. Le jour d’avant nous avions eu l’occasion de discuter avec Rémi, le créateur de la trace. Pour lui, la première partie de la trace était peut-être la plus difficile à cause de la région des Monts. Une zone séparant Lille de la côte d’Opale, composée de nombreux petits villages perchés sur de petites buttes. Le genre de profil casse patte. Cela dit, l’ensemble de la map nous a semblé assez vallonné. Si vous pensiez que le Nord était plat, vous allez changer d’avis!

Dès la première centaine de kilomètres, on a réalisé à quel point Rémi connaît très bien la région. Un parfait mélange entre de beaux paysages que l’on pensait à peine possible dans cette région et une difficulté présente mais motivante. Durant toute la TNR ( The North Road) nous avons eu l’impression de rouler avec un local, comme un local. Le parcours est truffé de petits passages, de routes à faible trafic parfois goudronnées parfois non. Clairement il n’y a rien à jeter de cette trace, tous les kilomètres valent le coup! Le réseau de routes, bien différent du réseau provençal par son maillage et son organisation, offre des possibilités infinies! Rémi en fait un usage sage et généreux !

Sur les premiers 189 kilomètres il n’y avait pas moins de 8 petits monts à grimper, par exemple Mont Noir (152m), Mont des Recollets (159m) ou bien Mont Cassel (176m). Au total 1920 m d’élévation nous attendaient! Et enfin quand le premier segment touche à sa fin, que dans le dernier coup de cul on peut sentir les embruns, et finalement voir la mer, The North Road nous offre un paysage inoubliable: la côte d’opale. 

La pluie avait décidé de s’arrêter un moment, et le soleil d’apparaître derrière les nuages. Une merveilleuse palette de couleurs s’offrait alors à notre regard. Le bleu profond de la mer, le vert tendre de l’herbe grasse parsemé de moutons aussi blanc que le sable des plages de cette côte silencieuse. Si on avait pu arrêter le temps durant cette aventure, ça aurait été sûrement ici. Par chance, notre seule crevaison est intervenue quelques kilomètres après. Changer une chambre à air dans un paysage aussi merveilleux, il y a pire… 

Le premier segment terminé à Framezelle, on a directement lancé le second. Près de 200 kilomètres et 1830 mètres de dénivelé nous attendait. On était déjà bien cramé, les multiples ascensions courtes mais intenses avaient déjà bien entamé notre endurance. 

C’est bien plus qu’une aventure à vélo :
c’est aussi un voyage intérieur. 

Sur les premiers kilomètres de la seconde partie de The North Road, on reste en bord de mer, parfois sur la route, parfois sur des chemins de halage, toujours entre les collines et falaises verdoyantes. Impossible de s’en lasser. On rejoint Wimereux et ensuite la trace s’engouffre de nouveau dans les terres. A ce moment, nos futurs compagnons de routes étaient à seulement 12 kilomètres derrière, ils feront une pause sur la jetée de Wimereux pour un repas chaud. De notre côté on a continué après un bref stop pour charger notre sacoche Carradice de divers encas pour continuer la route. Depuis le matin il pleuvait par intermittence, rien de grave, ça ajoutait même un certain charme à cette belle boucle. 

Après avoir évité le centre de Boulogne puis passé la terrible ascension de la rue Eugène Varlin (près de 800 mètres avec quelques moments à 23% ) nous avons continué à nous enfoncer dans les confins de cette si belle région. On passe le Touquet également, une belle expérience, ses maisons luxueuses et ses lotissements propres et carrés. A cette époque le couvre feu était encore valable, vers 19 heures, les rues se vidaient déjà. Il fallait donc que l’on se dépêche de quitter les zones urbaines pour trouver une zone de bivouac acceptable. C’est à ce moment que nous avons commencé à entrer en contact par messages avec le groupe qui était parti à  9 heures du matin. Tiraillé entre l’envie de continuer la trace et l’envie de rencontrer d’autres passionnés, nous avons ralenti, puis posé nos affaires en attendant nos compagnons de route.


© photo Ernest

Une nuit humide et un (trop) petit préau
pour quatres personnes. 

Seulement une heure après notre arrivée, trois cyclistes sont arrivés: Clément, Martin et Jean-Baptiste. Eux aussi sont fatigués de leur première journée. D’un commun accord nous avons donc bivouaqué dans ce petit village (dont j’ai oublié le nom) sous un ciel nuageux mais léger, nous invitant à nous regrouper sous un porche qui allait malheureusement s’annoncer trop petit. Le sommeil nous a rapidement gagnés, mais dès lors le vent se mit à souffler et la pluie tomba inexorablement sur notre petit abri. Au milieu de la nuit, branle bas de combat général, car le préau n’est pas très étanche et laisse l’eau s’accumuler en flaques à l’endroit où l’on dort. Jean-Baptiste et moi en sortons avec un duvet un peu mouillé. Peu de temps après, le réveil sonnait et une autre journée nous attendait. On a plié nos affaires partiellement mouillées et on a laissé derrière nous nos compagnons qui avaient envie de prendre leur temps. 

À demi réveillés, on attaque une première portion de 133 kilomètres avec pas moins de 11 montées à passer. Plus jamais on ne dira que le Nord est plat! Près de 1420 mètres de dénivelé positif sur cette portion en direction d’Arras. Mais encore une fois la récompense est présente, et Rémi signe une map aussi intéressante sur le plan touristique avec des passages dans des lieux historiques, tel le cimetière militaire de Ablain Saint Nazaire. Le plus grand cimetière français en hommage à la première guerre mondiale, regroupant les tombes de plus de 40 000 soldats. Le lieu impose le silence par sa majestuosité. De ce fait, on recommande aussi la TNR aux cyclotouristes qui veulent découvrir la région!

C’est à peine quelques kilomètres plus tard, lors d’un arrêt pour remplir nos gourdes, que nos compagnons de la veille nous ont rejoints. Si Clément avait dû interrompre l’aventure pour raisons personnelles, Jean-Baptiste et Martin étaient bien là et avec une bonne allure! On fait donc quelques kilomètres avant de s’arrêter une nouvelle fois pour manger, l’occasion de faire connaissance. C’est aussi tout l’intérêt de ce genre d’événement : rencontrer des personnes partageant la même passion! 

Au passage, n’espérant pas mourir de faim sur cette trace, les baraques à frites sont légendaires et pour cause ! Un menu à 9€ burger et frites qu’il nous a été impossible de finir malgré déjà presque 100 kilomètres dans les jambes. Gourmand et copieux, si vous aimez le gras, vous ne manquerez de rien ! 

Martin Dewas et Jean-Baptiste Catté ne sont pas des nouveaux dans la discipline. Jean-Baptiste a par exemple complété un Paris-Brest-Paris. En 2019 il était même pilote pour la machine Ernest, un vélo en bambou présenté pour le concours des machines. Martin quant à lui, est un cycliste régulier qui accumule les kilomètres quand il n’est pas en cours. 

Ciel orageux et pause forcée

C’est le ventre plein de fritures que nous repartons en direction de zones urbaines sous un ciel menaçant. Peut être pas le tableau le plus reluisant de cette TNR, mais tout de même une belle expérience. Malgré quelques difficultés de navigation notamment avec les rond-points, on parvient à avancer. Rapidement notre petit groupe de trois se retrouve séparé, nous n’avons de toute façon pas le même rythme. Et puis sur ce genre de trace il suffit d’un arrêt de 2-3 minutes pour perdre l’autre de vue. 

Arras, Lens, Hénin-Beaumont puis Douai, nous passons dans ce fameux bassin minier qui bien que défraîchi garde un charme d’une époque glorieuse aujourd’hui perdue. Les photos sont naturellement faciles et belles, mais la pluie empêche vraiment de s’arrêter longtemps. Et enfin, après quelques heures quand le ciel se décide à se déchirer, le temps s’arrête. Chacun cherche un abri pour la petite dizaine de minutes suivantes. Vous connaissiez la pluie? Surement pas la pluie du Nord: froide et battante. C’est sous l’auvent d’une boucherie que l’on regarde l’eau tomber du ciel, c’est beau et nous sommes heureux de ne pas être au milieu de nulle part, sans abri. 

Après cette pluie nous étions de nouveau en selle, c’est seulement vers 20 heures que l’on retrouve le duo Martin et Jean-Baptiste. Nous aurions tous voulu pouvoir poursuivre encore, mais avec le couvre feu et déjà 250 kilomètres dans les jambes, une pause s’imposait. Le prochain segment était à seulement 62 kilomètres, au moment où l’on s’arrête dans la petite ville de Locquignol. 

C’est seulement le lendemain que l’on comprend combien il avait été sage de s’arrêter ici et non 32 kilomètres plus tard. 


© photo Ernest

Pas une route, pas un single, juste une forêt
dense et vierge

Nous nous étions tous mis d’accord pour tenter d’arriver à Lille le lendemain soir avant le couvre feu de 19 heures. Après avoir trouvé un petit abri proche d’un étang, on a réglé l’alarme sur 4 heures du matin. Puis nous avons fermé les yeux et passé une nuit passable, notre duvet étant encore mouillé de la veille.  

Quand le réveil sonna, il nous fallut un bout de temps avant de nous réchauffer. Heureusement, en 10 minutes tout était replié et nous étions prêts à partir. On n’a pas tardé à trouver une bonne boulangerie quelques kilomètres plus tard. Un café, une pâtisserie et une pause de quelques minutes avant d’attaquer la fin de l’avant dernier segment de cette North Road. Et quelle fin !

Cette dernière portion se situe dans le parc régional naturel de l’Avesnois. Une région assez plate, où les routes traversent des forêts massives. On se sent petit, spécialement quand le soleil n’est pas encore levé. Il y a la route, que l’on distingue à la lumière de nos torches et de chaque côté, deux grands rideaux noirs qui ne s’interrompent que pour laisser entrevoir un sentier peu engageant tant il est sombre. Plus réjouissant, cette région est aussi fameuse pour son fromage: le Maroilles! Un fromage que l’on retrouve avec tant d’autres aux halles de Wazemmes au sud de Lille. Un endroit qu’on ne peut que recommander si vous aimez les expériences culinaires !

Avant d’attaquer cette North Road, Rémi nous avait prévenu qu’il n’avait pas pu faire la reconnaissance de tout le tracé. L’événement étant gratuit nous étions déjà bien heureux de pouvoir parcourir une trace aussi belle et longue. Mais en plus depuis le début, il n’y avait eu aucun problème. Le tracé était parfait! Néanmoins c’est à une cinquantaine de kilomètres de la fin de la troisième section que les choses se sont compliquées. 

Avec Martin et Jean-Baptiste, nous sommes à bonne allure et nous nous engageons sur une petite route, qui devient un chemin, puis un sentier et puis, plus rien. Seule la trace GPS nous confirme que nous sommes au bon endroit, l’herbe est haute et humide, nous sommes dans un sous bois quasi vierge. Ici nous étions bien heureux d’avoir choisi des chaussures sans cales, les Proou Mexico faites main en Espagne permettent de marcher confortablement même dans des situations délicates comme celle-ci. Jean-Baptiste est celui qui a essayé de rouler le plus longtemps, mais le bourrage de la boue dans ses étriers ont eu raison de la motivation de cet homme que l’on a vu attaquer des portions de pavé en descente à près de 50 kilomètres heure! Après une dizaine de minutes de marche, la route enfin ! Mais nous rencontrons vite une barrière nous arrivant presque à hauteur d’épaule avec en prime un petit barbelé sur le dessus. Encore une fois nous étions bien heureux d’être tout de coton vêtu, une matière bien moins fragile que les matériaux techniques utilisés pour les cuissards. Ça n’a pas été simple de passer nos vélos chargés par-dessus la barrière, mais à trois nous avons pu faire une chaîne. Honnêtement, seuls, nous ne serions pas passés et aurions dû rebrousser chemin. N’imaginons même pas si nous avions dû faire cela de nuit !

Une petite escapade qui finalement nous coutera un peu de temps, mais qui restera un beau souvenir. Au final c’était même bien moins difficile mentalement que le retour sur Lille en faisant une boucle depuis Roubaix avec un vent de face!

La fin du troisième segment est finalement sous nos yeux après seulement 20 kilomètres. Le lac de Valjol aurait été un point de bivouac parfait mais nous n’avions malheureusement pas le temps : il nous restait désormais 200 kilomètres à faire tomber avec pour contrainte d’arriver à Lille à 19heures, avant le couvre feu. 


Swiper pour voir la galerie – © photo Ernest

Deux passionnés, deux traces et un finish mémorable

Le dernier segment ne faisait que 200 kilomètres, nous l’avons fait en 9h avec une moyenne de 21,3 km/h. Clairement une performance pour nous qui d’habitude sommes beaucoup plus lents. En effet, on a trouvé en Martin, l’allié parfait pour finir cette belle aventure. Le rythme soutenu sans être insoutenable, les sujets de discussions variés, mais aussi les silences assumés pour pouvoir apprécier cette belle trace touristique. 

Pourtant ce n’était pas gagné d’avance. Parfois plus rapide que nous, Martin nous a devancé à plusieurs reprises. Malheureusement, il semblerait que nous avions une version antérieure de la trace, du coup une fois Martin perdu de vue, nous le retrouvions seulement quelques dizaines de minutes plus tard. Notre trace ayant plus de sections hors routes, nous étions plus lents. Nous avons finalement pu retrouver Martin et après une courte concertation, nous avons décidé de rester ensemble. 

Quand nous avons attaqué le dernier segment de 200 kilomètres, Martin et nous n’avions pas le même état d’esprit. Pour nous c’était une formalité, qu’est ce 200 kilomètres après tout, nous avions déjà fait près de 550 kilomètres. Pour Martin, probablement plus sage, c’était une dernière section à ne pas prendre à la légère: “ Je ne veux pas trop y penser. Je vais continuer à pédaler à mon rythme sans trop faire de calculs et de plans. Je ne veux pas me faire d’illusion en me disant que ce n’est QUE 200 kilomètres. Ça reste un gros morceau”- Martin. Deux états d’esprits et finalement une certaine alchimie qui se retrouva gagnante pour ce dernier segment. C’était une belle expérience, nous qui sommes majoritairement solitaires, partager 200 kilomètres au même rythme était plaisant et enrichissant. Les paysages prennent une autre dimension à deux. 

Nous avions laissé derrière Jean-Baptiste qui avait souhaité s’arrêter pour faire un bref nettoyage de son vélo. Nous ne le reverrons plus du reste de l’aventure. Il eut en effet quelques mésaventures mécaniques et nous étions malheureusement impuissants et dans l’impossibilité de l’aider. Néanmoins, il finira la trace seulement quelques heures après nous!

Bien motivés, on a avalé les 80 premiers kilomètres avec aisance! Une petite pause café sous une pluie fine et nous étions de nouveau près à manger du kilomètres. Il en restait seulement 120 ! Une sorte de dernière ligne droite, avec peu de dénivelés, mais tout de même de fameux segments pavés. C’était d’ailleurs l’incertitude majoritaire. Nous ne savions pas exactement combien de secteurs pavés nous allions devoir traverser. Seul Martin pourrait possiblement être préparé et apte à reconnaître les portions nous allions devoir prendre. Une expérience souvent complexe mais nécessaire, qu’est ce que serait la North Road sans des segments pavés? 

Le premier segment était la fameuse trouée d’Arenberg. Un endroit qui a fait ressurgir instantanément le souvenir de tous ces Paris-Roubaix regardé sur Youtube. Notamment les éditions des années 1990, à l’époque où la Mapei les mangeait tous ! Une première pour nous, cette section qui paraissait si large à la télé était en fait assez étroite. Heureusement pas de barrière ce jour, nous étions donc libres de rouler sur le bas côté. Ensuite nous avons été surpris par l’état des pavés, les joints sont importants, à croire que certains pavés ont été volontairement posés sur la tranche! Sans une bonne vitesse c’est donc un cauchemar. Donc, faute de jambes et de peur de tout casser nous avons fait la trouée sur le bas côté, plus facile et confortable. N’est pas Andreï Tchmil qui veut!

Évidemment il y eut d’autres segments, tout aussi plaisants. Toutefois, rien de très difficile comparé à la trouée d’Arenberg, et avec quasiment toujours la possibilité de passer sur le côté. Tout en roulant et en se rapprochant de Lille, le vent commençait à se lever. Nous l’avions de 3/4 de dos jusque là. Néanmoins la mémoire de la trace qui contourne Lille par le Nord pour arriver par l’ouest nous fait redouter un final avec le vent de face. Ce ne fut pas long avant que nous ayons la réponse finale. 

Les derniers 40 kilomètres sont tracés de façon à éviter une arrivée par la métropole lilloise. Notamment ces grandes sections de piste cyclables entre Roubaix et Lille. Sans vent de face ça aurait été un plaisir, mais après 750 kilomètres, ces 13 derniers kilomètres face au vent furent un enfer. Mentalement très difficile, 13 km face au vent fait en 50 minutes ou plus alors que sans vent il aurait suffit d’un peu plus d’une demie heure. Cette envie de finir, de prendre une douche et de savourer un repas avec les gens qu’on aime, et ce maudit vent, qui se pose en dernier obstacle. Rien n’est donné dans ce bas monde! Complètement rôtis, nous avons été incapables de prendre un relais et c’est protégés du vent derrière Martin que nous avons fini péniblement la North Road. Enfin arrivés à Lille, le vent faiblit, protégé par le tissu urbain. Il est 19 heures, nous avons terminé. 

A cause du couvre feu, pas de festivité à l’arrivée, de toute façon après 3 jours et 38 heures de vélo, la chose la plus sage à faire était de dormir. Une dernière accolade avec Martin pour se féliciter de cette belle aventure et coopération pour le dernier segment et nous étions de retour dans notre logement temporaire chez notre amie Eva. 

Nous pensions pouvoir finir en 2 jours et 12h il nous fallut finalement 3 jours entiers. Parfois roulant à la limite de ce que la loi imposait à cette époque. Mais nous avions aussi pris le temps de savourer la route, les paysages et les gens qui ont fait cette aventure avec nous. Des moments qui repassent rapidement au moment de se coucher. Puis la fatigue tombe, d’un coup, il n’y a plus personne, le sommeil a tout emporté, du moins jusqu’au lendemain matin. 

Le lendemain, nous retrouvions Rémi et Eva pour un tour de vélo en Belgique, une petite récup à base de jolie piste cyclable et de gaufre gourmande. Une belle journée pour clôturer cette aventure magique que l’on recommande vivement. Les traces sont disponibles sur le compte Komoot de Rémi. 

Un grand merci à lui pour l’organisation de ce bel itinéraire. 

Merci aussi à Jean-Baptiste et Martin avec qui nous avons fait de beaux kilomètres. 

Le merci spécial à Eva aussi évidemment, elle comprendra. 

Et évidemment à Cher Vin qui était là pour supporter moralement lors de cette belle aventure, et toujours prête à enfourcher son vélo pour des aventures tout aussi belles.

Texte et photos
de Ernest
Cycliste vintage et créateur
du magasine CYCLOPAST

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