La Trans Balkan Race de Nathalie

« Après plusieurs ultra sur route, je souhaite participer à mon premier ultra en off-road et la route de la Trans Balkan Race étant annoncée 100 % roulante et accessible en gravel, je m’y inscris. J’apprends également qu’il y aura Lael Wilcox, une des meilleures cyclistes ultra distance, je suis impatiente de me mesurer à elle.

Nous sommes 88 cyclistes à prendre le départ le vendredi 3 juin à 8 heures depuis Sezana en Slovénie. Il fait très chaud et après moins de quatre heures de course, je perds déjà un bidon sur 3. Mais pour le moment j’arrive à trouver de l’eau assez régulièrement et j’ai aussi acheté une paille filtrante comme cela était recommandé dans le manuel de course alors je ne m’inquiète pas trop. 


© Morten Schrøder

La route en Slovénie et en Croatie se passe plutôt bien pour moi, même si je commence à avoir des douleurs à la plante des pieds et au niveau de la selle. Je croise même un ours et son petit dans le massif des Velebit, je suis enchantée !

Vers Gospic, au kilomètre 400, je ne vois plus le point de Lael bouger sur la carte depuis un moment. Elle est très loin derrière et je me dis qu’elle doit avoir un problème mécanique. Déçue, je traine alors un peu, je fais une longue pause pour manger et changer la position de mes cales ainsi que de ma selle. Je m’étais fait une telle joie de rouler contre Lael que je suis un peu démotivée. 


© Rugile Kaladyte

Finalement, ce n’était qu’un problème de GPS et d’un coup, elle apparaît 20 kilomètres derrière moi sur le tracking live. D’un coup, je regrette ce long arrêt et je me rebooste jusqu’au CP1 où j’avais décidé de dormir. Mais Lael est seulement à une trentaine de kilomètres derrière et quelqu’un me dit qu’elle ne dort pas sur ce genre d’épreuve. Ça m’étonne sur une course aussi longue mais après un bon repas préparé par les bénévoles, je décide de repartir sans dormir et de pousser au maximum. J’abandonne également mon matelas et bivy au CP1.

Les organisateurs me disent qu’il faut attendre car devant moi, un coureur s’est fait arrêté par la police. La trace passe près de la frontière avec la Bosnie et cela ne plait pas aux autorités. Après des négociations avec la police locale, les organisateurs décident de changer un peu la trace afin de contourner ce problème. 


© Rugile Kaladyte

Me voilà donc repartie. Mais seulement quelques heures après avoir quitté le cp1, je commence à m’endormir sur le vélo. Je fais donc une première pause de 20 minutes. Cela ne suffit pas et j’enchaîne ensuite plusieurs siestes, souvent réveillée par le froid. Je regrette de ne pas avoir dormi au CP1, j’aurai sans doute été plus reposée qu’avec ces multiples siestes à même le sol.

Je suis tout de même toujours dans le top 10 et leader féminine mais j’ai de plus en plus de mal à supporter les douleurs sur la plante des pieds et à l’entrejambe donc je fais de nombreuses pauses pour essayer de régler ça. Je me perds également plusieurs fois, ajoutant des kilomètres à une trace déjà longue de 1350 kilomètres.

J’entame la montée dans le massif de Dinara avec une magnifique vue sur le lac Cetina. Je dois encore une fois m’arrêter pour mes douleurs au pieds que j’essaie de bander. Lael me double à ce moment là. Elle me demande comment ça va et spontanément je réponds « Bien et toi ?» alors qu’en réalité j’avais mal partout. Elle me répond « super ! » et passe son chemin. 

Cela a mis un gros coup à mon moral et à partir de là il a été beaucoup plus difficile de supporter la douleur. Comme si j’avais déjà perdu la course alors que l’on n’était qu’à la moitié. En plus, il a fallu beaucoup pousser le vélo jusqu’à la frontière avec le Bosnie-Herzegovine et je me suis davantage découragée en me disant que Lael avait l’avantage avec son vtt. Même si j’ai réussi à monter des pneus en 53 sur mon Dilecta Forçat, mon développement en 40-36 montrait ses limites dans ces pentes très raides et n’étant pas dotée de suspension, les descentes n’étaient pas non plus très reposantes pour le corps. 


© Morten Schrøder

Découragée et complètement déshydratée après cette longue montée, je m’arrête à nouveau dormir. Mais comme je suis en terrain potentiellement miné, il est déconseillé de sortir du sentier. Je me retrouve donc à tenter de dormir sur un matelas de cailloux. Je me fais doubler par de nombreux concurrents mais je n’en ai plus grand chose à faire. Je cherche seulement désespérément de l’eau mais le sol est tellement sec que ma paille est complètement inutile.

J’attends la levée du jour avant de repartir et je vois enfin une flaque d’eau boueuse où baignent des moustiques et autres insectes. Je plonge ma paille dedans pour boire avant de continuer ma route. Stéphane Ouaja, avec qui j’ai bouclé la deuxième moitié de la Desertus Bikus un mois plus tôt, finit par me rejoindre. Il est aussi au bout du rouleau et me prend dans ses bras. Il a trouvé un refuge où passer la nuit, je suis dégoûtée de ne pas l’avoir vu. Lui est dégoûté d’avoir dû pousser autant son vélo alors qu’il était en VTT et me dit qu’il va abandonner. Je pense faire de même.

On roule ensemble jusqu’à la première maison que l’on croise où l’on demande immédiatement de l’eau puis on décide de se faire un gros repas à Livno, le prochain village. Lui veut le relier directement par la route. Je lui dis que j’hésite encore à scratcher et donc que je préfère suivre le tracé jusqu’à Livno où je prendrais ma décision. On retrouve Cristian, un participant italien, au restaurant. Après une très longue pause repas, je décide de tout de même continuer. Je vais au supermarché pour me ravitailler et acheter une carte SIM car un soutien moral ne sera pas de trop. Malgré l’aide de la caissière pendant une bonne demi-heure, je n’aurai pas réussi à faire fonctionner la carte SIM et doit donc continuer seule.


© Morten Schrøder

Même si la route devient un peu plus facile, elle est loin d’être 100% roulante, même pour les vttistes et je réfléchis donc encore à abandonner, ne prenant pas de plaisir à pousser autant mon vélo. Mais je me résigne  tout de même à rejoindre le CP2. Une centaine de kilomètres avant, je m’arrête pour manger des tranches de dinde qui ont macéré toute la journée dans mon sac par de fortes chaleurs. Je me dis que ce n’est sans doute pas une bonne idée et puis tant pis ! Ça devrait aller après tout.

Je croise souvent Cristian sur la route et on affronte une horde de chiens agressifs en pleine nuit avant de se retrouver au CP2. Je n’en ai plus rien à faire du classement alors decide de traîner dans cet havre de paix. Je prends une douche, je mange, je dors 5 heures, je mange à nouveau… Et je me décide encore une fois à repartir sur la trace. Il y a moins de poussage et malgré mes nombreuses pauses, je ne suis pas très loin du top 10. Cela me motive à nouveau à faire la course. 

Mais c’était sans compter sur ma stupidité. Je me sens un peu ballonnée et pense d’abord que j’ai trop mangé au CP2. Finalement, quelques heures après avoir quitté le CP2, je suis complètement à plat avec de bons maux d’estomac. Je savais que je n’aurais pas dû manger ces tranches de dinde. Maudite soit ma culpabilité à gâcher de la nourriture !

Je passe alors les 3 prochains jours avec une bonne intoxication alimentaire, à lutter encore une fois contre l’envie d’abandonner. Heureusement je croise souvent Samuel, Didier, Chris et Markus avec qui l’on partage des repas au restaurant. Je n’en ai plus rien à faire du classement, je veux seulement terminer maintenant alors je m’arrête aussi dormir dès que l’envie m’en prend et cela arrive régulièrement avec mon état.


© Morten Schrøder

Après la canicule, le temps devient orageux et je me prends plusieurs averses avant la frontière croate. Avec plusieurs participants qui ont aussi abandonné l’idée du classement, on repère un hôtel quelques kilomètres hors de la trace où l’on décide de se rejoindre pour la nuit. Seulement, j’ai quelques soucis mécaniques et il est déjà 23 heures lorsque j’arrive à la bifurcation. Ne voulant pas rallonger avec le risque que la réception soit fermée, je décide de continuer.

Je cherche un abri sur la trace pour me reposer en vain. Je m’arrête donc au bord de la route en m’enroulant dans ma couverture de survie mais le vent et le froid m’empêchent de dormir. Après 3 heures à grelotter, je repars sous la pluie. Malgré tout, je commence à me sentir mieux.

Les routes et la météo deviennent à nouveau plus agréables et j’ai bon espoir d’arriver le soir même. Je pousse donc jusqu’à Risan que j’atteins un peu avant 23 heures et où je suis accueillie par de nombreux bénévoles et participants. Malgré toutes ces péripéties, je termine la Trans Balkan Race en 7 jours et 15 heures, à la quinzième place et deuxième féminine derrière Lael, je suis plutôt contente. Seuls 44 participants ont terminés. 

Après quelques  jours de repos, je suis même méga motivée à me relancer sur de nouvelles courses d’ultra off-road ! »

Photo de couverture © Rugile Kaladyte

Nathalie Baillon est une athlète d’ultra-distance et exploratrice à vélo.

> Instagram

Davy Berruyer

Fondateur et Rédacteur en Chef de Veloculte

> Instagram

Subscribe
Notify of
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments